Les médias et les
réseaux sociaux s'apparentent à une
forme de "démocratie continue." Réelle ou pervertie, cette information permanente
donne l'illusion à certains que l'on peut se passer maintenant de
la démocratie représentative.
Il y a quelques années, l'opinion prenait le temps de se
construire, parce que les rythmes de vie étaient plus lents,
les partis à la fois plus stables et plus forts, l'information
plus parcimonieuse et les conneries limitées aux piliers de
comptoirs.
A l'heure de l'opinion instantanée, il devient de plus en plus
difficile de préserver la démocratie.
Dans le même temps, nombreux sont ceux qui se réfugient sur
eux-mêmes, sur leur famille, ou dans un entre-soi qui ignore
l'autre avec aisance.
Des petits mondes artificiels se créent ainsi, protégés dans des cages de Faraday et de plus en plus éloignés du monde réel.
A la dernière municipale de Fréjus (61% d'abstentions), seul le
Rassemblement national a été en mesure de constituer une liste
sans grande difficulté.
C'est un phénomène à la fois sociologique et physique.
Sociologique, compte tenu d'un public favorable à l'extrême
droite, par les métiers et par l'histoire.
Physique, en raison de l'attraction de la plus grosse masse sur
les plus petites.
Pourtant, le RN ne pèse guère plus de 7 000 voix dans une ville de 55 000 habitants.
Trouver 45 volontaires pour constituer une liste, était devenu
l'objectif.
C'était la fête des fous!
Les convictions s'envolaient.
Les sans-idées piochaient dans celles des autres.
On promettait de racheter des maisons inondées.
Des gens de droite se disaient de gauche.
Des gens de gauche cachaient des gens de droite et d'extrême droite.
Lors de mon retrait, on me demanda de "prêter des femmes
pour compléter une liste" (sic). Ah! la parité, le féminisme et le
reste...
Une candidate de gauche est passée à l'extrême droite.
Des écologistes sont passés à droite.
Le député, la cheffe LR et les chefs EELV m'ont proposé des
postes: "Trois mille balles par mois pendant 6 ans ça
se refuse pas," m'a dit l'un d'eux!
Des gens qui se haïssaient depuis des années ont fusionné leurs
listes pour pouvoir se présenter, avant de se séparer très vite, à
l'épreuve de leurs consciences.
J'entends les mauvaises langues crier qu'ils n'en ont pas. Allons
donc, il faut faire semblant d'y croire pour que la société tienne
debout.
Des affamés, qu'on retrouve à chaque élection, ont donné 20€ à un
parti pas trop regardant pour jouer les hommes-sandwich et tenter
de mettre du beurre dans les épinards.
J'oubliais ceux qui refusèrent de s'engager de peur de laisser
une empreinte définitive pouvant les marquer pour le prochain
coup.
Quatre ans après, je n'arrive toujours pas à imaginer que dans cette ville, il ne puisse y avoir 45 personnes sensibles à l'écologie, cohérentes, faisant le choix d'un engagement pour le bien commun et préférant la démocratie à la politique magique qui attire les foules.
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