vendredi 2 juin 2023

45, 61, 7 000 et 55 000

 

Les médias et les réseaux sociaux s'apparentent à une forme de "démocratie continue." Réelle ou pervertie, cette information permanente donne l'illusion à certains que l'on peut se passer maintenant de la démocratie représentative.

Il y a quelques années, l'opinion prenait le temps de se construire, parce que les rythmes de vie étaient plus lents, les partis à la fois plus stables et plus forts, l'information plus parcimonieuse et les conneries limitées aux piliers de comptoirs.

A l'heure de l'opinion instantanée, il devient de plus en plus difficile de préserver la démocratie.

Dans le même temps, nombreux sont ceux qui se réfugient sur eux-mêmes, sur leur famille, ou dans un entre-soi qui ignore l'autre avec aisance.

Des petits mondes artificiels se créent ainsi, protégés dans des cages de Faraday et de plus en plus éloignés du monde réel.

A la dernière municipale de Fréjus (61% d'abstentions), seul le Rassemblement national a été en mesure de constituer une liste sans grande difficulté.

C'est un phénomène à la fois sociologique et physique.

Sociologique, compte tenu d'un public favorable à l'extrême droite, par les métiers et par l'histoire.

Physique, en raison de l'attraction de la plus grosse masse sur les plus petites.

Pourtant, le RN ne pèse guère plus de 7 000 voix dans une ville de 55 000 habitants.

Trouver 45 volontaires pour constituer une liste, était devenu l'objectif.

C'était la fête des fous!

Les convictions s'envolaient.

Les sans-idées piochaient dans celles des autres.

On promettait de racheter des maisons inondées.

Des gens de droite se disaient de gauche.

Des gens de gauche cachaient des gens de droite et d'extrême droite.

Lors de mon retrait, on me demanda de "prêter des femmes pour compléter une liste" (sic). Ah! la parité, le féminisme et le reste...

Une candidate de gauche est passée à l'extrême droite.

Des écologistes sont passés à droite.

Le député, la cheffe LR et les chefs EELV m'ont proposé des postes: "Trois mille balles par mois pendant 6 ans ça se refuse pas," m'a dit l'un d'eux!

Des gens qui se haïssaient depuis des années ont fusionné leurs listes pour pouvoir se présenter, avant de se séparer très vite, à l'épreuve de leurs  consciences.

J'entends les mauvaises langues crier qu'ils n'en ont pas. Allons donc, il faut faire semblant d'y croire pour que la société tienne debout.

Des affamés, qu'on retrouve à chaque élection, ont donné 20€ à un parti pas trop regardant pour jouer les hommes-sandwich et tenter de mettre du beurre dans les épinards.

J'oubliais ceux qui refusèrent de s'engager de peur de laisser une empreinte définitive pouvant les marquer pour le prochain coup.

Quatre ans après, je n'arrive toujours pas à imaginer que dans cette ville, il ne puisse y avoir 45 personnes sensibles à l'écologie, cohérentes, faisant le choix d'un engagement pour le bien commun et préférant la démocratie à la politique magique qui attire les foules.

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