dimanche 8 septembre 2019

On fait de la loi une force injuste


Le texte ci-dessous a été écrit en 2016.
Une nouvelle ligne de chemin de fer traversant quatre des cinq communes de la CAVEM est prévue. Les travaux devaient débuter en 2022. 
Le saviez-vous?
Aujourd'hui ce projet est reporté mais non supprimé.
J'ai participé dans un cadre associatif à de multiples réunions de travail au Muy, à Marseille, à Nice, avec la SNCF, avec les représentants de l'Etat et les élus régionaux.
2000 militants associatifs entre Marseille et Menton s'opposent à ce projet coûteux et inutile. Ils préfèrent que la ligne actuelle soit modernisée et entretenue plutôt que de voir des milliards engloutis pour gagner quelques minutes entre Nice et Paris.
De surcroît, avec un tel projet, les gares de Fréjus et de St-Raphaël deviendraient insignifiantes, les TGV s'arrêtant au Muy ou du côté de Cannes après avoir transpercé l'Esterel par un tunnel.
Au delà du problème de transport évoqué. Cet exemple pose le problème de l'information citoyenne et de la démocratie participative.


On fait de la loi une force injuste !

Veut-on vraiment que la population s’occupe de ses affaires ?
L’information et la participation de la population à l’élaboration de décisions susceptibles d’avoir un impact sur son environnement est un enjeu majeur de la démocratie.

La démocratie représentative doit davantage prendre en compte les besoins de la population et les élus ne doivent pas opposer leur toute puissance à ceux qui les ont choisis.
L’élévation du niveau d’instruction de la population et la présence de multiples associations autorisent une plus grande compréhension de problèmes qui ne sont complexes que parce que l’information reste cachée.
Redonner vie à la démocratie est impératif si l’on ne veut pas voir les populismes s’installer ou consolider leurs pouvoirs. Très souvent, le processus légal des décisions est formellement respecté mais délibérément opacifié ou vidé de toute substance.
La loi devient une force injuste et donc contestée.  

On le voit autour de nombreux sujets concernant l’Est Var et le projet de la Ligne Nouvelle Provence Côte d’Azur (LNPCA) est, en ce sens, l’exemple de ce qu’il ne faut pas faire.

La concertation  
                                                                                                                                    En 2015, la Commission Nationale du Débat Public (CNDP) décide de ne pas organiser un nouveau débat public en se satisfaisant des concertations antérieures inabouties alors que le projet n’est plus exactement le même. Les recours associatifs sont ignorés.
On fait de la loi une force injuste.

Le tracé de la future ligne 
                                                                                                                     La segmentation dans le temps et dans l’espace de la future construction permet d’organiser une enquête publique sans que les habitants concernés sachent où va exactement passer la ligne. La publication d’un fuseau, parfois très large, est source d’incertitude et d’angoisse pour la population concernée. Le processus légal est formellement respecté mais vidé de sa substance.
On fait de la loi une force injuste.

Les permis de construire  
                                                                                                                      La SNCF met en place des zones de protection foncière qui lui permettront légalement de bloquer les permis de construire délivrés par les maires pendant deux ans.
On fait de la loi une force injuste

Les expropriations 
                                                                                                                                Les élus départementaux ont voté le 27 octobre dernier le déblocage de crédits pour permettre les premières expropriations. Elles concernent les propriétés situées sur un fuseau large parfois de plusieurs kilomètres. Devant les incertitudes du projet, certains biens seront expropriés mais peut-être pas détruits. Leurs propriétaires auront alors été dépossédés pour rien car les biens resteront aux initiateurs du projet.
On fait de la loi une force injuste.

L’accélération du processus
                                                                                                                   A l’issue de la concertation entre la SNCF et les élus du Var, il est décidé d’accélérer la construction de la section Le Muy-La Siagne en réalisant des aménagements sur ce secteur bien plus tôt que ne le définissait le projet annoncé dans la consultation (aménagements de la priorité 2 réalisés en même temps que ceux de la priorité 1). Est-ce légal ?
On fait de la loi une force injuste.

La concertation de la population en 2016

Après des réunions de travail bâclées et inachevées avec les associations, une seule réunion de concertation a eu lieu à La Crau pour le public, le 12 octobre dernier. Rien dans l’Est Var malgré la demande des associations auprès des maires qui ont le pouvoir de demander des réunions publiques pour leurs administrés auprès de la SNCF. C’est légal mais…
On fait de la loi une force injuste.

Et ailleurs ?                                                                                                                                             J’ai pris l’exemple de la Ligne Nouvelle, mais le même constat s’impose pour des projets qui touchent de près l’Est Var :
-  comme la gestion des déchets dont les plans (quand ils existent) sont cachés au grand public alors qu’il devra être acteur pour trier chez lui,
-  comme le projet de construction des installations classées pour la protection de l’environnement chargées d’exploiter les centrales d’enrobé et de béton de Fréjus.
On conserve un processus légal formellement respecté mais, dans ce dernier cas, compte tenu des inexactitudes, des omissions et des insuffisances de l’enquête publique…
On fait de la loi une force injuste.

Veut-on vraiment que la population s’occupe de ses affaires ?                                                     Certains mettaient beaucoup d’espoir dans la nouvelle ordonnance décidée par l’Etat sur la démocratisation du dialogue environnemental du 3 août dernier.
Un droit d’initiative citoyenne est ouvert aux habitants qui seraient concernés par un projet important soumis à déclaration.
Mais l’encadrement est tel que son effet sera automatiquement très limité. En effet, il ne suffit pas que la demande soit recevable !
Les projets relevant de la CNDP (comme la Ligne Nouvelle) sont exclus.
Les initiatives de concertation doivent d’abord relever des initiateurs des projets !
Les projets doivent mobiliser des fonds publics importants.
C’est le préfet qui décide ou pas de prendre en compte la demande citoyenne.
Autant dire qu’on aura toujours un processus légal formellement respecté bien que vidé de toute substance.
On fait de la loi une force injuste.

Toutes ces stratégies aboutissent à pervertir la loi. Les populations contestent parfois la légalité mais c’est surtout la légitimité des actions entreprises sous couvert du mensonge, du double langage ou du secret qui aboutit au déficit criant de démocratie participative sans laquelle la démocratie n’est plus qu’une enveloppe vide.

                                                                                   Joël HERVE


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