En 2015, l'enquête publique concernant les usines du Capitou est terminée. Mal informée, la population a peu participé. Secrétaire d'une association de protection de l'environnement, je rédige un courrier pour demander la prolongation de l'enquête (le nom de l'association est effacé pour respecter son indépendance par rapport à ma candidature).
Au-delà de la critique de forme et des risques évoqués, ce courrier précise les projets de construction qui densifieront cet espace pour en faire un nouveau quartier.
Cette demande de prolongation adressée au préfet ne sera pas satisfaite.
le 3 juillet 2015
Monsieur le Préfet du Var
Boulevard du 112ème
Régiment d’Infanterie 83000 Toulon
Objet : Installations classées pour la protection de
l’environnement - ICPE : Société ECOPOLE - Exploitation d’une centrale d’enrobé
et d’une centrale à béton, situées lieu-dit "La Source", zone
d’activité du Capitou à Fréjus (83600).
Références : Demande d’autorisation et état de la procédure
accessibles par Internet sur :http://www.var.gouv.fr/societe-ecopole-centrale-d-enrobe-et-beton-a-a4805.html
L’analyse du dossier du
demandeur, celle du rapport du commissaire enquêteur et la façon dont s’est
déroulée l’enquête publique aboutissent à deux constats.
Les préoccupations des habitants
n’ont pas été suffisamment prises en compte en raison du faible impact de
l’information réglementaire, de l’absence de généralisation d’une information
médiatisée destinée à un large public et de l’absence de réunion publique.
Les dossiers du demandeur et le compte rendu du
commissaire enquêteur témoignent d’une
forme de légèreté et d’un parti-pris prenant appui sur des analyses
souvent partielles et partiales.
DES DOCUMENTS IMPRECIS QUI MASQUENT LA REALITE AVEC DES ARTIFICES DE
LANGAGE.
Le dossier de demande
d’autorisation comporte des imprécisions et des insuffisances qui n’ont pas toujours
été relevées par le commissaire enquêteur. Ce dernier utilise d’ailleurs, lui
aussi, le même procédé dans son rapport. Deux exemples illustrent ce propos.
Premier exemple : l’expression «
proximité immédiate » : Elle est utilisée pour minimiser la place des
populations dans le périmètre de la zone projetée. Cela permet d’écrire qu’il
n’y aurait aucun hébergement à proximité immédiate.
Mais il y a un centre commercial
régional, un hôtel et un centre d’affaires installés à 500 mètres, un hôpital
pour personnes âgées et une caserne à un kilomètre, quatre écoles, des petits
centres commerciaux et de nombreux lotissements à moins de deux kilomètres.
Il n’y aurait aucune structure
vouée au tourisme à « proximité immédiate », mais il y a une dizaine de campings
dont certains sont de véritables villes accueillant l’été plus de 5000
estivants.
L’ensemble représente 5 000
habitants l’hiver et 40 000 l’été.
Lorsque le rapport évoque les
vignes, il ne trouve pas d’appellation protégée à proximité immédiate, mais les
vignes de « Cure Béasse », de château Paquette et du Clos des Roses sont à un
kilomètre du projet.
2
Deuxième exemple : le trafic
routier
L’impact sur le trafic est
exprimé en nombre de poids lourds et non en nombre de passages (pourtant, les
camions arrivent et repartent). Cela permet de diviser l’effectif par deux.
Quand le commissaire enquêteur
est bien obligé d’évoquer « un impact relativement important » sur la
circulation de la D4, il relativise en disant que le flux des poids lourds sera
essentiellement nord- sud et sans gêne importante. Il oublie que pour limiter
le péage autoroutier, les poids lourds venant de l’ouest quitteront l’A8 à
Puget et emprunteront la D4. Tout comme ceux qui viendront du sud de
l’agglomération. D’ailleurs les besoins
et zones de destinations des produits ne sont pas justifiés.
Cette route est chargée
habituellement et en surcharge l’été. Le projet de plateforme et traitement des
déchets verts de la CAVEM à « l’ancienne poudrière » du Puget sur Argens
aggravera cette situation.
Les piétons et les cyclistes des
campings sont nombreux, beaucoup d’enfants rejoignent leur école à pied et il
n’y a ni trottoirs ni pistes cyclables. L’impact ne sera pas « négligeable sur
le tourisme », comme il est écrit. Et ce d’autant plus que les riverains ont
l’expérience d’un bâchage aléatoire des camions se rendant au centre
d’enfouissement.
UNE ENQUETE PARTIELLE
Des documents incomplets oublient
de donner des informations essentielles pourtant demandées à l’occasion de
l’enquête publique par plusieurs associations, dont ... agréée pour
la protection de l’environnement du Var (LR-AR du 25 mars 2015 citée par le
rapport mais restée sans suite), et de nombreux habitants.
Les polluants :
Les poussières et les rejets
gazeux des centrales à enrobés sont connus et dangereux pour les populations.
Quelles seront les quantités de rejets de SO2, de NO2, de benzène,
d’éthyl-benzène, de toluène, de benzopyrène de cadmium, de chrome et quel sera
leur impact sur la santé des populations sur place, dans un rayon de 500
mètres, de 1 km et au-delà?
Une modélisation a été réalisée
à l’aide d’un logiciel mais aucune valeur n’est publiée.
Les eaux superficielles :
Les matières en suspension vont
être concentrées par ruissellement ou lors des inondations (les terrains situés
à l’est du pôle BTP sont couverts d’eau plusieurs fois par an depuis leur
création).
Quel sera l’impact de ces eaux
après passage dans les cours d‘eau et arrivée sur les plages de Fréjus ?
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Les vents :
Comment s’effectuera la
dispersion sous l’influence des vents dominants venant de l’est, de l’ouest et
du sud ?
La faune et la flore :
L’inventaire faunistique et
floristique a été réalisé en une seule journée. C’est insuffisant. Il n’a pas
été conforté dans la durée pour tenir compte des évolutions liées aux saisons.
Le complément d’enquête demandé n’est pas encore disponible et peut réserver de
mauvaises surprises.
L’impasse totale est faite sur
la présence de la tortue d’Hermann qui occupe pourtant les espaces voisins en
grand nombre.
Tout ceci est
particulièrement regrettable, alors que l’Autorité environnementale avait
conditionné son accord sur cette demande à une meilleure prise en compte, à
l’occasion de l’enquête publique, des aspects
concernant particulièrement la Faune et la Flore.
Le site considéré n’est pas en
zone Natura 2000 mais il est immédiatement encadré par cinq zones de ce type.
UNE ENQUETE PARTIALE
Le rapport du commissaire
enquêteur utilise un double langage.
Très souvent, la forme est
respectée. Le commissaire enquêteur dénonce des irrégularités dans le corps de
son argumentaire mais n’hésite pas en annuler l’effet dans des conclusions
affichant une conformité systématique.
Ainsi a-t-il compté 3 personnes
lors des quatre premières permanences organisées en mairie « mais considère que la population de Fréjus a
été suffisamment informée » et qu’il « n’a donc pas jugé nécessaire de demander
une prolongation d’enquête ».
Les 57 personnes venues à la
dernière permanence, le dernier jour de l’enquête, constituent pour lui une «
agitation ». Cette affluence ultime « n’est pas le fruit d’un manque
d’information mais plutôt le fait d’une prise de conscience tardive ».
Mais comment prendre conscience
quand on n’a pas l’information ?
La pétition avec 350 signatures
à la fin de l’enquête publique en compte maintenant près de 2 000.
L’hôpital lui-même, directement
concerné, n’a pu réagir qu’en dehors des délais. Comment le commissaire
enquêteur explique-t-il que 3 personnes seulement, sur 60 000, se soient
rendues aux quatre premières permanences ?
4
Le commissaire enquêteur a noté
« une certaine faiblesse de l’analyse du biotope » mais a tout de même conclu «
que le site est implanté dans une zone industrielle devenue peu propice au
développement d’espèces naturelles protégées ».
Pour le commissaire enquêteur, «
l’exiguïté et l’inadaptabilité du recoin dévolu à la réception du public lors
des permanences en mairie de Fréjus ne permettait pas « de déployer l’ensemble
des documents mis à disposition ». Mais il conclut en affirmant que « l’enquête
s’est globalement déroulée dans un climat calme et serein et dans le respect
des textes en vigueur ».
UNE INTERROGATION ET UNE REMARQUE :
Affichage en voie publique ou privée ?
Malgré nos recherches et nos
demandes, il ne nous est pas possible d’être certains que l’extrémité de
l’impasse Barbéro, après le dernier rond-point, est bien une voie publique
comme l’affirme le commissaire enquêteur. Si tel n’était pas le cas, cela signifierait
que les affichages n’étaient pas conformes à la réglementation. De toute façon,
que cette route soit privée ou publique,
l’accès était barré et donc parfaitement inaccessible pour un affichage public
conforme à la réglementation.
Par ailleurs, l’analyse des
documents d’une autre enquête publique en cours portant sur la mise en
compatibilité du PLU de Fréjus avec la déclaration de projet concernant une
diminution de 100 à 50 mètres par
rapport à l’autoroute A8 des distances d’implantation pour le pôle production
du Capitou montre que le voisinage immédiat de l’espace qui nous préoccupe fait
apparaitre que deux zones d’habitation vont être installées à moins de 500
mètres des usines polluantes projetées.
La première, d’une superficie de
1,1 hectare, est appelée « Centre de Vie ». Elle comprendra, à l’est des
usines, des équipements publics, des commerces de proximité et des logements
collectifs.La seconde 5 fois plus grande, appelée Pôle habitat du Bonfin, sera
installée au nord-est d’ECOPOLE.
L’enquête publique contestée n’a
jamais évoqué cet apport important de population à proximité immédiate des
usines projetées, de leurs poussières, de leurs polluants chimiques et des
trafics de poids lourds augmentés.
CONCLUSION
Ces éléments réunis et
l’amplification de la résistance des populations concernées par ce projet nous
conduisent à demander une prolongation de l’enquête publique prenant en compte
tous les aspects ci-dessus tendant à un refus de l’autorisation d’exploitation
demandée. Cette considération s’appuie
sur la jurisprudence du Conseil d’Etat, considérant 5 de l’Arrêt n°371566 du 10
juin 2015 (ECLI :FR :CERJS :2015 :371566.20150610), qui
précise : « Considérant que les inexactitudes, omissions ou
insuffisances du dossier d'enquête publique ne sont susceptibles de vicier la
procédure et donc d'entraîner l'illégalité de la décision prise que si elles
ont eu pour effet de nuire à l'information complète de la population ou si
elles ont été de nature à exercer une influence sur la décision de l'autorité
administrative … ».
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Restant à votre disposition, nous vous
confirmons, Monsieur le Préfet, l’assurance de notre haute considération.
Copies pour information :
-Monsieur le Sous-préfet de Draguignan ;
-Monsieur le Chef de l’Unité Territoriale Var de la DREAL
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