Au printemps dernier, la population a été sollicitée pour donner son avis sur le projet de plan local d'urbanisme (PLU) proposé par l'actuel maire de Fréjus.
Vous trouverez ci-dessous l'avis que j'ai formulé par écrit lors de l'enquête publique.
Le PLU de
FREJUS : un projet flou et replié
sur lui-même qui voudrait bétonner sans
réelle maîtrise de l’espace et du temps et sans trop se soucier de l’avis de la
population.
Le projet de Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville de
Fréjus a pour objet de définir les usages du sol pour les dix à quinze
prochaines années. Il est porté par son Projet d’Aménagement et de
développement durable (PADD) qui énonce les principales orientations politiques
de la commune. Mais il est aussi encadré
par une législation aussi multiple que rigoureuse.
Je me réfère aujourd’hui, en particulier, à deux lois et à
trois textes réglant la vie de la CAVEM:
-La loi relative à l’aménagement, la protection et la mise
en valeur du littoral (loi littoral),
-La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain
(SRU),
-Le Plan de Développement Urbain,
-Le Plan Local de l’Habitat,
-Le Schéma de Cohérence
territorial de la CAVEM (SCoT-CAVEM).
Ces textes, qui ont pour objet de protéger et de mettre en
cohérence notre territoire ne sont pas intégralement respectés par ce projet
municipal. Il oublie trop souvent que la ville n’est pas seule sur son
territoire et devrait tout mettre en œuvre pour devenir pleinement un pôle
d’attraction entre la préfecture du département et la métropole de Nice. Si les
communes de la CAVEM fusionnaient, ce nouvel ensemble deviendrait pourtant la
23ème ville de France avec sa population de 115 000 habitants.
1°) L’écoute et la participation
des habitants
La municipalité a fait le choix de limiter l’information des
habitants en ne mettant pas en place des réunions explicatives et de
concertation et en limitant l’enquête publique à la durée légale minimale. La
demande de réunion publique et de prolongation de l’enquête publique de quinze
jours que j’ai demandée le 17 mars dernier (comme plusieurs associations), est
restée sans réponse.
Les plans et tableaux dématérialisés sont au format
« pdf ». Leur petite taille les rend peu visibles et leur format les
rend intransformables pour une analyse personnelle détaillée.
On ne peut pas administrer une ville en ignorant ses
habitants. Or cette gouvernance semble ignorer que les citoyens sont éduqués et
concernés par le devenir de leur ville. Considérer, en actes, qu’ils n’ont pas
besoin de penser parce que d’autres sont payés pour le faire à leur place est
une hérésie.
2°) L’espace et le
temps
Dans ce projet, les rédacteurs n’ont véritablement maîtrisé
ni l’espace ni le temps.
L’espace :
Fréjus est une belle ville mais nombre de ses quartiers sont
dispersés, parfois isolés, comme sur un puzzle dont les pièces disséminées
peineraient à rejoindre le jeu parfait. A l’évidence, les rédacteurs de ce
projet cherchent toujours les pièces et semblent compter sur d’autres pour les
assembler (urbanisation, transports collectifs, pistes cyclables, par exemple).
Le temps :
Le court terme est malmené, le moyen et le long terme
quasiment ignorés.
Pour le court terme, par exemple, la programmation de l’urbanisation
dans le temps est illisible et ne respecte donc pas le SCoT-CAVEM.
Dès maintenant, le code de l’urbanisme n’est pas respecté
pour les logements économes en énergie de la partie centrale de la ville.
Pour le moyen et le
long terme, c’est encore plus compliqué.
Les trois dernières années sont les plus chaudes jamais
observées depuis qu’existent des mesures scientifiques de variation des
températures. Nous mesurons déjà les risques accrus d’événements
météorologiques graves affectant la qualité de vie, la santé et notre
territoire.
La canicule de 2003 pourrait devenir la norme et revenir tous
les deux ou trois ans sur des périodes plus larges, commençant en juin pour ne
s’achever qu’en octobre. Dans le temps imparti à ce PLU, l’état rendra probablement
obligatoires les travaux d’efficacité énergétique et notre modèle de
développement évoluera. Les villes, et FREJUS en particulier, doivent préparer
ces événements, connus et prévisibles dès maintenant quels que soient les
efforts réalisés pour tenter de les réduire. Je pense aux besoins de formation
professionnelle qualifiée pour l’isolation des bâtiments publics et privés, aux
modes de déplacements, aux problèmes des sols, de l’eau, de l’assainissement, de
la protection des inondations et des incendies, par exemple.
Les silences de ce projet sur ces sujets sont assourdissants.
Actuellement, la ville expédie les déchets ménagers de la
population à la décharge de Bagnols-en-Forêt, comme les quatre autres villes de
la CAVEM et d’autres communes.
Le tri à la source permettant de recycler tout ce qui peut
l’être en mettant de côté les biodéchets, n’est pas mis en place. C’est
pourtant le seul moyen de s’approcher du zéro déchet. La ville (via la CAVEM et
son syndicat mixte) prévoit de tout entasser pêle-mêle pendant cinq ans et
devra donner des informations fiables à la population sur les projets
d’enfouissement et d’usine qu’elle envisage de financer à proximité du site
actuel.
Les problèmes d’hier devraient permettre la réflexion
d’aujourd’hui pour préparer les
solutions de demain.
2°) Un puzzle de projet
flou et des entorses au droit
On peut constater un flou assez général des prévisions et
parfois des entorses au droit qui, s’ils persistaient, pourraient avoir de
graves conséquences pour le devenir de la ville, de l’agglomération et des
espaces naturels.
Il n’y a pas d’orientation d’aménagement et de programmation
(OAP) pour les quinze hectares du quartier de Fréjus-Plage (non respect du
SCoT-CAVEM).
Certains quartiers ne répondent pas à la densité à l’hectare
voulu par le SCoT-CAVEM.
Le projet est mis en défaut d’application de certaines
règles d’urbanisme pour les logements sociaux locatifs (respect du Code de
l’urbanisme).
Les préconisations de la loi SRU et du Scot-CAVEM ne sont
pas respectées pour le nombre de logements locatifs sociaux et les résidences
secondaires. Les besoin globaux en logements sont arrêtés au nombre de 6000
alors que les prévisions de construction s’établissent à 9350 logements.
Pourquoi ?
Ce projet de PLU n’est pas avare de double langage.
A titre d’exemple, on affiche une grande attention aux
espaces naturels, réservoirs de biodiversité, dans les documents de
présentation. Mais, contradictoirement, on décrit un étalement urbain important (par
exemple à Caïs, au Colombier et à la Tour de Mare) avec toujours l’écart de
plus de 3000 logements évoqué au paragraphe précédent.
Il n’y a aucune distinction entre les secteurs
densifiables du centre ville et de ses
proximités et les secteurs pavillonnaires (non respect du SCoT-CAVEM).
Le futur aménagement du quartier des Sables, central pour
l’équipement de l’agglomération, semble isolé dans la ville. La SNCF ne semble
pas avoir été consultée pour l’utilisation d’un espace lui appartenant et elle
formule un rappel à la loi dans les annexes. Le domaine public ferroviaire est
imprescriptible et inaliénable. Pourtant, aucune réflexion n’a été conduite
avec la société nationale à propos du projet de Ligne Nouvelle PCA prévue en
2037 et dont le tracé n’est plus fixé à ce jour. Que deviendrait ce nouveau
quartier une fois construit, si cette ligne venait à traverser la ville
parallèlement à la voie actuelle, quelques années plus tard ?
Certains « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement »
(HNIE) ne respectent pas nombre de prescriptions liées à la jurisprudence ou ne
répondent pas à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en
valeur du littoral. Ils sont donc illégaux (HNIE de St-Jean-de-l’Estérel, HNIE
Ste-Brigitte/Vallée du Reyran qui a déjà beaucoup fait parler de lui ces
dernières années, par exemple).
Des parcelles protégées par la loi relative à l’aménagement,
la protection et la mise en valeur du littoral, sont promises à l’urbanisation
(Darboussières).
La densification du quartier du Colombier ne respecte pas ce
qui est prévu au SCoT-CAVEM.
La Tuilière deviendrait «site de développement économique »
alors que l’espace est une zone humide. Ne referait-on pas la même erreur qu’à
la Palud, il y a quelques dizaines d’années ? Et pourtant les décideurs de
l’époque étaient prévenus puisque La Palud signifie « marécage ». Les
multiples inondations à répétition, les frais considérables répercutés sur les
entreprises et les grands travaux de compensation payés aujourd’hui par les
contribuables, devraient servir de leçon aux concepteurs de ce PLU
approximatif.
L’urbanisation prévue au Gargalon est incompatible quatre
fois avec les règles de droit et de bon
sens (Loi littoral, SCoT-CAVEM, Plan de Prévention des Risques Incendie (PPRIF),
l’Unité Départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP). Elle serait
dangereuse et elle est illégale.
Des oublis sérieux concernent la partie sud des terrains
concernant le secteur du boulevard de la mer et de la Base Nature. Il n’y a aucune
prescription concernant l’emprise au sol et la surface des espaces verts. La
seule obligation concerne la hauteur des bâtiments fixée à 13 mètres. Cette
imprécision permettrait de construire ce que veut la commune sans bien informer
la population.
L’espace Caquot est protégé et devra être mis en valeur par
une réhabilitation devant se séparer d’annexes ajoutées au fil du temps. Des
espaces paysagés pourraient l’accompagner. Le parking devrait impérativement
disparaître et être remplacé par des lieux d’accueil des véhicules à la
périphérie de la ville. Ce bord de mer ne serait plus alors accessible que par
des bus électriques de transfert, les cyclistes et les piétons.
Des risques naturels minorés
De nombreux secteurs sont promis à l’urbanisation alors
qu’ils sont directement concernés par le PPRIF de la commune ou le plan de
prévention des risques naturels inondation.
D’une façon générale, les multiples risques auxquels est
exposée la commune sont minorés ou oubliés.
Des oublis sanitaires
importants
L’eau :
L’importante augmentation de population nécessitera un
approvisionnement en eau plus important. Ce sujet n’est pas véritablement
développé, pas plus que l’assainissement correspondant. Est-ce un oubli de
rédaction ou une imprévision manifeste ?
Les moustiques :
Des prescriptions techniques mériteraient d’être portées à
ce projet pour limiter la prolifération des moustiques, tels que
l’encadrement des toits terrasse ou l’étanchéité des regards, par exemple.
Le radon :
La commune, classée significativement en zone 3 pour le
radon, devrait prescrire des aménagements pour limiter l’accumulation de ce gaz
dans les habitations : étanchéité des sous-sols, présence de vides
sanitaires et ventilation de ces derniers par exemple.
Les espaces boisés
L’Office National des
Forêts précise que « les terrains relevant du régime forestier ne sont ni
cités ni cartographiés au titre des servitudes d’utilité publique ». Le
Code de l’Urbanisme n’est pas respecté.
Le problème des
usines du Capitou
Dans le quartier du Capitou, des usines de production
d’enrobé et de transformation de déchets du BTP ont débuté leur exploitation
malgré une décision du tribunal administratif qui a annulé l’autorisation
d’exploiter donnée par le préfet. Ce dernier a toutefois autorisé la poursuite provisoire
de l’exploitation.
Sur ce dossier, on rappellera le silence de la ville qui
n’avait pas fourni d’avis lorsqu’elle avait été sollicitée et qui avait signé
le permis de construire au nom de la continuité avec l’équipe municipale
précédente.
Dans une lettre au ministre de
l’environnement et au Premier ministre, j’écrivais en 2017 : « Les
auteurs de l’étude d’impact ne mettent pas en évidence de risques pouvant
entraîner un impact sanitaire sur la population environnante en considérant les
seules émissions de l’installation. Ils omettent de préciser que les
recombinaisons à l’air libre de certains polluants rejetés ont une
cancérogénicité mal connue mais avérée, même lorsqu’elles sont individuellement
dans les normes…
D’autre part, le site est bordé par le péage d’une
autoroute où les véhicules à l’arrêt contribuent à la pollution ambiante…
Les flux de
polluants rejetés dans l’atmosphère et autorisés dans l’arrêté préfectoral sont
nombreux et, exprimés en kg/h, devront être limités aux valeurs suivantes que
nous exprimeront en tonnes par an, puisque c’est l’unité retenue pour
l’autoévaluation demandée à l’entreprise :
-poussières :
15 tonnes/an,
-SO2 :
115 tonnes/an
-NOx
ou équivalent NO2 : 175 tonnes par an,
-COVNM :
42 tonnes par an.
Qui,
connaissant ces chiffres, accepterait de vivre sans crainte à proximité de
telles usines qui seront d’ailleurs accompagnées de surcroît d’une plateforme
de traitement de déchets du BTP ? »
L’expansion importante prévue pour ce secteur,
complétant une zone déjà fortement urbanisée, est un problème majeur.
En conclusion et
compte tenu de l’ensemble des observations qui précèdent, j’émets un avis
défavorable à ce projet de PLU.
Joël
HERVE
Fréjus,
le 2 avril 2019
Très intéressant. Je vais prendre le temps de lire ce PLU afin de croiser mes remarques avec les tiennes. A bientôt. François S.
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