lundi 9 septembre 2019

Mon avis sur le dernier PLU de Fréjus



Au printemps dernier, la population a été sollicitée pour donner son avis sur le projet de plan local d'urbanisme (PLU) proposé par l'actuel maire de Fréjus.
Vous trouverez ci-dessous l'avis que j'ai formulé par écrit lors de l'enquête publique.





Le PLU de FREJUS : un projet flou  et replié sur lui-même qui voudrait  bétonner sans réelle maîtrise de l’espace et du temps et sans trop se soucier de l’avis de la population.

Le projet de Plan Local d’Urbanisme (PLU) de la ville de Fréjus a pour objet de définir les usages du sol pour les dix à quinze prochaines années. Il est porté par son Projet d’Aménagement et de développement durable (PADD) qui énonce les principales orientations politiques de  la commune. Mais il est aussi encadré par une législation aussi multiple que rigoureuse.
Je me réfère aujourd’hui, en particulier, à deux lois et à trois textes réglant la vie de la CAVEM:

-La loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral (loi littoral),
-La loi relative à la solidarité et au renouvellement urbain (SRU),
-Le Plan de Développement Urbain,
-Le Plan Local de l’Habitat,
-Le Schéma de Cohérence  territorial  de la CAVEM (SCoT-CAVEM).

Ces textes, qui ont pour objet de protéger et de mettre en cohérence notre territoire ne sont pas intégralement respectés par ce projet municipal. Il oublie trop souvent que la ville n’est pas seule sur son territoire et devrait tout mettre en œuvre pour devenir pleinement un pôle d’attraction entre la préfecture du département et la métropole de Nice. Si les communes de la CAVEM fusionnaient, ce nouvel ensemble deviendrait pourtant la 23ème ville de France avec sa population de 115 000 habitants.

1°) L’écoute et la participation des habitants
La municipalité a fait le choix de limiter l’information des habitants en ne mettant pas en place des réunions explicatives et de concertation et en limitant l’enquête publique à la durée légale minimale. La demande de réunion publique et de prolongation de l’enquête publique de quinze jours que j’ai demandée le 17 mars dernier (comme plusieurs associations), est restée sans réponse.
Les plans et tableaux dématérialisés sont au format « pdf ». Leur petite taille les rend peu visibles et leur format les rend intransformables pour une analyse personnelle détaillée.
On ne peut pas administrer une ville en ignorant ses habitants. Or cette gouvernance semble ignorer que les citoyens sont éduqués et concernés par le devenir de leur ville. Considérer, en actes, qu’ils n’ont pas besoin de penser parce que d’autres sont payés pour le faire à leur place est une hérésie.

2°) L’espace et le temps
Dans ce projet, les rédacteurs n’ont véritablement maîtrisé ni l’espace ni le temps.
L’espace :
Fréjus est une belle ville mais nombre de ses quartiers sont dispersés, parfois isolés, comme sur un puzzle dont les pièces disséminées peineraient à rejoindre le jeu parfait. A l’évidence, les rédacteurs de ce projet cherchent toujours les pièces et semblent compter sur d’autres pour les assembler (urbanisation, transports collectifs, pistes cyclables, par exemple).
Le temps :
Le court terme est malmené, le moyen et le long terme quasiment ignorés.
Pour le court terme,  par exemple, la programmation de l’urbanisation dans le temps est illisible et ne respecte donc pas le SCoT-CAVEM.
Dès maintenant, le code de l’urbanisme n’est pas respecté pour les logements économes en énergie de la partie centrale de la ville.
Pour le moyen et le long terme, c’est encore plus compliqué.
Les trois dernières années sont les plus chaudes jamais observées depuis qu’existent des mesures scientifiques de variation des températures. Nous mesurons déjà les risques accrus d’événements météorologiques graves affectant la qualité de vie, la santé et notre territoire.
La canicule de 2003 pourrait devenir la norme et revenir tous les deux ou trois ans sur des périodes plus larges, commençant en juin pour ne s’achever qu’en octobre. Dans le temps imparti à ce PLU, l’état rendra probablement obligatoires les travaux d’efficacité énergétique et notre modèle de développement évoluera. Les villes, et FREJUS en particulier, doivent préparer ces événements, connus et prévisibles dès maintenant quels que soient les efforts réalisés pour tenter de les réduire. Je pense aux besoins de formation professionnelle qualifiée pour l’isolation des bâtiments publics et privés, aux modes de déplacements, aux problèmes des sols, de l’eau, de l’assainissement, de la protection des inondations et des incendies, par exemple.
Les silences de ce projet sur ces sujets sont assourdissants.
Actuellement, la ville expédie les déchets ménagers de la population à la décharge de Bagnols-en-Forêt, comme les quatre autres villes de la CAVEM et d’autres communes.
Le tri à la source permettant de recycler tout ce qui peut l’être en mettant de côté les biodéchets, n’est pas mis en place. C’est pourtant le seul moyen de s’approcher du zéro déchet. La ville (via la CAVEM et son syndicat mixte) prévoit de tout entasser pêle-mêle pendant cinq ans et devra donner des informations fiables à la population sur les projets d’enfouissement et d’usine qu’elle envisage de financer à proximité du site actuel.
Les problèmes d’hier devraient permettre la réflexion d’aujourd’hui  pour préparer les solutions de demain.
2°) Un puzzle de projet flou et des entorses au droit 
On peut constater un flou assez général des prévisions et parfois des entorses au droit qui, s’ils persistaient, pourraient avoir de graves conséquences pour le devenir de la ville, de l’agglomération et des espaces naturels.
Il n’y a pas d’orientation d’aménagement et de programmation (OAP) pour les quinze hectares du quartier de Fréjus-Plage (non respect du SCoT-CAVEM).
Certains quartiers ne répondent pas à la densité à l’hectare voulu par le SCoT-CAVEM.
Le projet est mis en défaut d’application de certaines règles d’urbanisme pour les logements sociaux locatifs (respect du Code de l’urbanisme).
Les préconisations de la loi SRU et du Scot-CAVEM ne sont pas respectées pour le nombre de logements locatifs sociaux et les résidences secondaires. Les besoin globaux en logements sont arrêtés au nombre de 6000 alors que les prévisions de construction s’établissent à 9350 logements. Pourquoi ?
Ce projet de PLU n’est pas avare de double langage.
A titre d’exemple, on affiche une grande attention aux espaces naturels, réservoirs de biodiversité, dans les documents de présentation. Mais, contradictoirement, on décrit un étalement urbain important (par exemple à Caïs, au Colombier et à la Tour de Mare) avec toujours l’écart de plus de 3000 logements évoqué au paragraphe précédent. 
Il n’y a aucune distinction entre les secteurs densifiables  du centre ville et de ses proximités et les secteurs pavillonnaires (non respect du SCoT-CAVEM).
Le futur aménagement du quartier des Sables, central pour l’équipement de l’agglomération, semble isolé dans la ville. La SNCF ne semble pas avoir été consultée pour l’utilisation d’un espace lui appartenant et elle formule un rappel à la loi dans les annexes. Le domaine public ferroviaire est imprescriptible et inaliénable. Pourtant, aucune réflexion n’a été conduite avec la société nationale à propos du projet de Ligne Nouvelle PCA prévue en 2037 et dont le tracé n’est plus fixé à ce jour. Que deviendrait ce nouveau quartier une fois construit, si cette ligne venait à traverser la ville parallèlement à la voie actuelle, quelques années plus tard ?
Certains « hameaux nouveaux intégrés à l’environnement » (HNIE) ne respectent pas nombre de prescriptions liées à la jurisprudence ou ne répondent pas à la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral. Ils sont donc illégaux (HNIE de St-Jean-de-l’Estérel, HNIE Ste-Brigitte/Vallée du Reyran qui a déjà beaucoup fait parler de lui ces dernières années, par exemple).
Des parcelles protégées par la loi relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, sont promises à l’urbanisation (Darboussières).
La densification du quartier du Colombier ne respecte pas ce qui est prévu au SCoT-CAVEM.
La Tuilière deviendrait «site de développement économique » alors que l’espace est une zone humide. Ne referait-on pas la même erreur qu’à la Palud, il y a quelques dizaines d’années ? Et pourtant les décideurs de l’époque étaient prévenus puisque La Palud signifie « marécage ». Les multiples inondations à répétition, les frais considérables répercutés sur les entreprises et les grands travaux de compensation payés aujourd’hui par les contribuables, devraient servir de leçon aux concepteurs de ce PLU approximatif.
L’urbanisation prévue au Gargalon est incompatible quatre fois avec  les règles de droit et de bon sens (Loi littoral, SCoT-CAVEM, Plan de Prévention des Risques Incendie (PPRIF), l’Unité Départementale de l’architecture et du patrimoine (UDAP). Elle serait dangereuse et elle est illégale.
Des oublis sérieux concernent la partie sud des terrains concernant le secteur du boulevard de la mer et de la Base Nature. Il n’y a aucune prescription concernant l’emprise au sol et la surface des espaces verts. La seule obligation concerne la hauteur des bâtiments fixée à 13 mètres. Cette imprécision permettrait de construire ce que veut la commune sans bien informer la population.
L’espace Caquot est protégé et devra être mis en valeur par une réhabilitation devant se séparer d’annexes ajoutées au fil du temps. Des espaces paysagés pourraient l’accompagner. Le parking devrait impérativement disparaître et être remplacé par des lieux d’accueil des véhicules à la périphérie de la ville. Ce bord de mer ne serait plus alors accessible que par des bus électriques de transfert, les cyclistes et les piétons.
Des risques  naturels minorés
De nombreux secteurs sont promis à l’urbanisation alors qu’ils sont directement concernés par le PPRIF de la commune ou le plan de prévention des risques naturels inondation.
D’une façon générale, les multiples risques auxquels est exposée la commune sont minorés ou oubliés.
Des oublis sanitaires importants
L’eau :
L’importante augmentation de population nécessitera un approvisionnement en eau plus important. Ce sujet n’est pas véritablement développé, pas plus que l’assainissement correspondant. Est-ce un oubli de rédaction ou une imprévision manifeste ?
Les moustiques :
Des prescriptions techniques mériteraient d’être portées à ce projet pour limiter la prolifération des moustiques,  tels que l’encadrement des toits terrasse ou l’étanchéité des regards, par exemple.
Le radon :
La commune, classée significativement en zone 3 pour le radon, devrait prescrire des aménagements pour limiter l’accumulation de ce gaz dans les habitations : étanchéité des sous-sols, présence de vides sanitaires et ventilation de ces derniers par exemple.

Les espaces boisés
L’Office National des Forêts précise que « les terrains relevant du régime forestier ne sont ni cités ni cartographiés au titre des servitudes d’utilité publique ». Le Code de l’Urbanisme n’est pas respecté.

Le problème des usines du Capitou
Dans le quartier du Capitou, des usines de production d’enrobé et de transformation de déchets du BTP ont débuté leur exploitation malgré une décision du tribunal administratif qui a annulé l’autorisation d’exploiter donnée par le préfet. Ce dernier a toutefois autorisé la poursuite provisoire de l’exploitation.
Sur ce dossier, on rappellera le silence de la ville qui n’avait pas fourni d’avis lorsqu’elle avait été sollicitée et qui avait signé le permis de construire au nom de la continuité avec l’équipe municipale précédente.
   Dans une lettre au ministre de l’environnement et au Premier ministre, j’écrivais en 2017 : « Les auteurs de l’étude d’impact ne mettent pas en évidence de risques pouvant entraîner un impact sanitaire sur la population environnante en considérant les seules émissions de l’installation. Ils omettent de préciser que les recombinaisons à l’air libre de certains polluants rejetés ont une cancérogénicité mal connue mais avérée, même lorsqu’elles sont individuellement dans les normes…
D’autre part, le site est bordé par le péage d’une autoroute où les véhicules à l’arrêt contribuent à la pollution ambiante…

   Les flux de polluants rejetés dans l’atmosphère et autorisés dans l’arrêté préfectoral sont nombreux et, exprimés en kg/h, devront être limités aux valeurs suivantes que nous exprimeront en tonnes par an, puisque c’est l’unité retenue pour l’autoévaluation demandée à l’entreprise :

-poussières : 15 tonnes/an,
-SO2 : 115 tonnes/an
-NOx ou équivalent NO2 : 175 tonnes par an,
-COVNM : 42 tonnes par an.

   Qui, connaissant ces chiffres, accepterait de vivre sans crainte à proximité de telles usines qui seront d’ailleurs accompagnées de surcroît d’une plateforme de traitement de déchets du BTP ? »
L’expansion importante prévue pour ce secteur, complétant une zone déjà fortement urbanisée, est un problème majeur.

En conclusion et compte tenu de l’ensemble des observations qui précèdent, j’émets un avis défavorable à ce projet de PLU.


                                                                                              Joël HERVE

                                                                                              Fréjus, le 2 avril 2019




1 commentaire:

  1. Très intéressant. Je vais prendre le temps de lire ce PLU afin de croiser mes remarques avec les tiennes. A bientôt. François S.

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